20 mars 2013

Dracula, Bram Stoker


Jonathan Harker, jeune notaire, est envoyé en Transylvanie pour rencontrer un client, le comte Dracula, nouveau propriétaire d’un domaine à Londres. à son arrivée, il découvre un pays mystérieux et menaçant, dont les habitants se signent au nom de Dracula. Malgré la bienveillance de son hôte, le jeune clerc ne peut qu’éprouver une angoisse grandissante. Très vite, il se rend à la terrifiante évidence : il est prisonnier d’un homme qui n’est pas un homme.
Et qui partira bientôt hanter les nuits de Londres...
Waouh !

Résumer Dracula ? Curieuse idée, étant donné le succès mondial de ce classique à la source de toutes les représentations modernes du vampire, écrit en 1897. Et pourtant, les adaptation ont pris au fil du temps un nombre certain de libertés avec l’original. C’est ainsi que j’ai été finalement assez surprise de la teneur de ce roman, même si les grandes lignes ne m’étaient pas inconnues.

Dracula est en fait composé de deux parties distinctes : la première s’apparente à une nouvelle d’une cinquantaine de pages, prélude aux sombres évènements qui se dérouleront dans la seconde partie, que l’on pourrait presque qualifier de « suite ». Cette nouvelle est constituée des extraits du journal intime de Jonathan Harker, un jeune notaire envoyé en Transylvanie pour rencontrer le Comte Dracula qui souhaite acquérir une propriété à Londres. Mais l’excitation du voyage laisse rapidement place au doute puis à l’effroi lorsque Jonathan s’aperçoit qu’il est prisonnier du sinistre château et de son étrange propriétaire… Ces premières pages sont celles qui sont à mon avis les plus percutantes, et les plus réussies (ce sont en tout cas celles que j’ai préférées). Toute l’essence du mythe vampirique actuel est contenue dans ces quelques chapitres extrêmement bien maîtrisés, qui ne cessent de faire monter la pression au fur et à mesure que Jonathan se rend compte des bizarreries de son environnement. La voix interne — et qui plus est sous forme de journal intime — permet au lecteur de s’identifier totalement au personnage tout en accentuant le suspense grâce aux passages qui sont passés sous silence, que l’on ne peut qu’imaginer. Le séjour de Jonathan se conclut dans une tension insoutenable ; la seconde partie du roman peut alors commencer.

Le journal intime de Jonathan n’est alors plus la seule source : fragment de lettres, extraits d’autres journaux, télégrammes et même retranscriptions écrites de paroles enregistrées sur phonographe permettent l’introduction de nouveaux personnages parmi lesquels Mina Harker, jeune épouse de Jonathan, Lucy Westenra, sa meilleure amie, le docteur John Seward, directeur d’un asile d’aliénés et le célèbre et respecté docteur Van Helsing, son mentor. Tous ces protagonistes sont petit à petit entraînés dans de terribles évènements : il semblerait que Dracula ait en effet réussi à se rendre à Londres…

Dracula vu par Ben Templesmith
De nombreuses analyses poussées ont été faites sur ce roman qui traite d'une profusion de thèmes (la science, la mort, l’érotisme, la religion, la figure scientifique, la folie, etc.) et qui se révèle à ce titre autant une fiction qu’une étude ethnologique, historique, géographique ou folklorique. Je ne m’attacherai donc pas analyser ces fonctions par ailleurs autrement détaillées, mais je ne peux résister à l’envie de m’arrêter sur un point en particulier, qui m’a beaucoup interpellée : l'image des femmes. Bram Stoker offre en effet une vision très intéressante de ses personnages féminins, faite à la fois de clichés et de modernité ; elles sont souvent victimes mais aussi battantes et émancipées, et surtout moteurs des actions les plus héroïques des hommes. On peut par exemple lire :
« Ah ! l'étonnante madame Mina ! Elle a véritablement le cerveau d'un homme — d'un homme qui serait extraordinairement doué — mais le coeur d'une femme ! »
Si l’on peut s’offusquer de ce « cerveau d’homme » (n’oublions pas que nous ne sommes qu’en 1897 !), on ne peut que reconnaître les multiples qualités, même typiquement « féminines » (propension à la maternité, douceur, émotivité – à la fois force et faiblesse) dont Bram Stoker pourvoit généreusement ses héroïnes.

Au fil des pages, la chronologie du récit et les actions des différents personnages s’entremêlent (non sans quelques cafouillages comme nous le fait malicieusement remarquer le traducteur) et tissent un récit sombre et fantastique où l’horreur est omniprésente. J’ai beaucoup aimé découvrir ce classique, même si j’ai finalement été un peu lassée par le ton trop emphatique qui alourdit considérablement les dernières pages. Lorsque l’héroïne « se pâme », « tremble », « frissonne », « palpite », « tressaille » et que « son sang se glace dans ses veines » trois fois par ligne, difficile de frémir comme au début… Cette lecture sera sans doute suivie du visionnage de quelques uns des films tirés du roman original, je reviendrai vous en parler ici ! Au programme : 
  • Nosferatu de Murnau, avec Max Schreck [1922]
  • son remake Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog avec le très controversé Klaus Kinsky [1979]
  • Dracula de Tod Browning avec Bela Lugosi [1931]
  • Le cauchemar de Dracula de Terence Fisher avec Christopher Lee [1958] 
  • Dracula de Francis Ford Coppola avec Gary Oldman [1992]
  • L'ombre du vampire d'Elias Merhige avec Willem Dafoe [2000] qui raconte l'enquête menée sur Max Schreck, tellement convaincant qu'il fut soupçonné d'être un véritable vampire !
Max Schreck - Bela Lugosi - Christopher Lee
Klaus Kinsky - Gary Oldman - Willem Dafoe
Dracula, Bram Stoker
Éditeur : Le Livre de Poche
Paru en 2009
604 pages
5.60 €
ISBN 978-2-253-02338-8

6/26
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7 mot(s) doux:

  1. ça fait pas mal de temps qu'il est dans ma pal et que je dois l'en sortir ! Ton avis ne fait que m'y inciter ! Bons visionnages !

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  2. Je suis tellement fan de ce livre… que je suis incapable de le chroniquer, donc rien que pour ça BRAVO !
    Niveau film je te conseille en prime une parodie excellente : Le Bal des Vampires de Polanski.
    A bientôt.

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  3. @ livresdemalice : merci beaucoup ! J'ai regardé Nosferatu de Murnau hier et j'ai bien aimé (il est vraiment flippant ce Max Schreck !). J'ai hâte de voir les autres :)

    @ My : je me suis demandée longtemps comment j'allais pouvoir chroniquer un roman pareil et puis une fois lancée, dur de s'arrêter ! Merci pour le conseil ciné, à bientôt :)

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  4. De quoi frissonner pendant encore quels temps.

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  5. Super billet, complet et argumenté ! J'avais moi aussi adoré ce livre.

    Pour les films, très bons choix également, de beaux classiques en perspective, tu vas te régaler ! J'ai travaillé sur le mythe du vampire et la notion de domination masculine pour mon mémoire de M2 et je me souviens avoir été fascinée (entre autres) par le Nosferatu de Murnau et l'Ombre du Vampire (attention cauchemars possibles ;D). C'est là n'empêche qu'on voit qu'à l'époque le vampire était une figure de terreur avant tout et qu'aujourd'hui elle ne fait malheureusement plus que séduire...

    Ah et je t'en conseille deux autres du coup, pas liés à Dracula mais disons deux adaptations libres du mythe du vampire : Morse de Tomas Alfredson (un petit bijou de réflexion sur les genres féminins et masculins) et le cultissime Les Prédateurs de Tony Scott (avec Monsieur Bowie) !

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  6. Un classique de l'imaginaire que j'ai lu il y a quelques années maintenant et adoré. Il faudrait vraiment que je le relise. En tout cas content que ce livre t'ait plu.

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  7. Quand je l'ai lu il y a 2-3 ans, j'ai été surprise aussi de voir les libertés prises par rapport au mythe au fil du temps. C'est un roman que j'avais beaucoup aimé même si j'avais été quand même outrée par la façon dont il traitait (enfin, dont les personnages masculins du livre traitaient) les femmes.

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